lundi 17 août 2020

Réaction négative de Alf Kjellin (1974) 🚬 🚬 🚬 🚬



Second épisode de la quatrième saison de Columbo, Réaction négative (Negative Reaction) du réalisateur Alf Kjellin, déjà auteur du sixième de la précédente (Au-delà de la Folie) démarre par un gros point d'interrogation... Alors que dans la plupart des épisodes le meurtre se justifie pour le meurtrier par un besoin pour lui d'acquérir le plus rapidement et le plus facilement possible un bon gros paquet d'argent ou de se débarrasser d'un maître-chanteur, on peut se demander pour quelle raison le photographe Paul Galesko choisit d'employer une méthode aussi radicale que définitive. Célèbre, riche, il aurait tout aussi bien pu se débarrasser de son épouse Françoise Eleonore Galesko (l'actrice Antoinette Bower) en divorçant. À moins qu'ici l'idée de perdre la moitié de sa fortune ne soit l'unique prétexte à commettre un meurtre, on ne peut pas dire que sur ce sujet, le scénario de Peter S. Fischer soit très clair. Mais passons sur ce détail qui au fond, n'a pas vraiment d'importance. Et puisqu'il faut bien commencer par un meurtre, pourquoi pas... Il faut dire que Paul Galesko a de bien bonnes raisons de vouloir ''faire taire'' son épouse. À l'entendre jacter comme une vieille rombière mal bais[Censuré] (le public français appréciera tout particulièrement de doublage effectué par l'actrice Liliane Gaudet), Françoise Eleonore Galesko mérite finalement bien le sort que lui accorde son photographe de mari. Un Paul Galesko qui de surcroît, va abattre ensuite l'ancien taulard qui sans le savoir l'a aidé à se constituer un alibi. Un certain Jacques Deschler (l'acteur Don Gordon), dont la mort est presque un crève-cœur pour le spectateur mais un passage obligé pour son assassin...

Sans entrer dans les détails, disons que Paul Galesko se démène pour faire croire que le bonhomme a enlevé son épouse afin de réclamer au photographe, une forte somme d'argent. Si ce n'était la présence du clochard Thomas Dolan (l'acteur Vito Scotti, doublé chez nous par le célèbre Francis Lax) lors du meurtre de Jacques Deschler, Columbo n'aurait peut-être pas très rapidement soupçonné l'époux de la victime. Pourtant, ce qui comme d'habitude ressemble à un crime parfait (celui de l'épouse) va très vite ressembler à un assassinat finalement pas si minutieusement préparé que cela. Face à Peter Falk, l'assassin est incarné par l'acteur, scénariste et réalisateur américain Dick Van Dyke qui incarne le photographe en question. Ni vraiment mauvais, ni tout à fait attachant, on semble comprendre que le meurtre de son épouse peut être également rattaché au fait qu'il soit particulièrement attiré par sa secrétaire Lorna McGrath (l'actrice Joanna Cameron) avec laquelle il entretient une relation ambiguë (on ne sait en effet pas vraiment s'ils sont amants).

Outre ses qualités qui en font un épisode éminemment supérieur au premier des deux seuls que réalisa Alf Kjellin, Réaction négative est connu pour l'une des séquences les plus dramatiquement drôles de la série. C'est en effet lors de la visite d'un centre d'aide pour les démunis que Columbo, dont l'apparence est généralement le sujet de remarques blessantes (même si le lieutenant ne laisse jamais rien transparaître), que la sœur de la mission Saint-Mathieu le prend pour un clochard, en insistant bien sur sa tenue et ce, même lorsqu'elle apprendra qu'il est en fait lieutenant de police. Un détail n'aura d'ailleurs pas échappé aux plus fins observateurs de la version française qui souffre d'une erreur flagrante de chronologie. Alors que Columbo tente à tout prix de faire comprendre à la sœur qui il est, elle lui coupe la parole et lui lance ''Un instant Lieutenant'' alors même qu'il ne s'est pas encore présenté. Ce qu'il fera d'ailleurs quelques minutes plus tard. Un anachronisme qui n'est dû qu'à une erreur de doublage puisque dans la version originale, les fans anglophones auront noté que la sœur n'évoque pas du tout la ''fonction'' de Columbo à ce moment très précis de l'épisode. Comme dans bon nombre d'épisodes, le lieutenant harcèle véritablement l'assassin. Quelques bonnes idées viennent relancer l'enquête de Columbo. Ce dernier remarque par exemple que Paul Galesko a connu Jacques Deschler en prison il y a quelques années alors qu'il y a passé plusieurs semaines pour photographier les prisonniers et le contexte dans lequel ils vivent. Quant à l'issue de l'intrigue, elle s'achève d'une manière sans doute peu réglementaire mais diablement efficace puisque l'assassin se trahi alors que Columbo a mis au point un traquenard particulièrement astucieux. Un très bon épisode...

mercredi 12 août 2020

Exercice Fatal de Bernard L. Kowalski (1974) 🚬 🚬 🚬 🚬 🚬



Cette quatrième saison de Columbo démarre en grandes ''pompes'' puisque Exercice Fatal (An Exercise in Fatality) de Bernard L. Kowalski (qui réalise ici l'un des quatre épisodes dont il aura la charge entre 1971 et 1976) est tout simplement l'un des meilleurs épisodes de la première des deux époques que couvre la série. Dans celui-ci, Peter Falk croise la route de Robert Conrad, acteur de cinéma mais aussi et surtout connu chez nous pour avoir interprété les rôles de James T. West dans la série Les Mystères de l'Ouest entre 1965 et 1969 et du major ''Pappy'' Boyington dans Les Têtes Brûlées entre 1976 et 1978. Exercice Fatal est l'occasion de le découvrir cette fois-ci dans le rôle de Milo Janus, propriétaire d'une salle de musculation et surtout collaborateur d'un certain Gene Stafford (l'acteur Philip Bruns) qui découvre que son associé détourne de fortes sommes d'argent pour son propre compte. Lorsque Milo Janus apprend que Gene Stafford a l'intention de divulguer les informations qu'il a récoltées à leurs actionnaires, l'escroc tente de raisonner son collaborateur mais le tue alors même que celui-ci tente de lui échapper. Afin de se constituer un alibi, Milo Janus déshabille Stafford et le vêt d'un survêtement avant d'emporter le corps jusque dans une salle de musculation où là, il l'allonge sur un banc et dépose sur sa gorge, une lourde haltère. Le meurtre ayant été prémédité, Milo Janus s'est au préalable saisi de bandes magnétiques enregistrées par sa secrétaire et sur lesquelles on peut entendre la voix de Gene Stafford. Par un ingénieux montage et en demandant à Jessica Conroy (la secrétaire en question) de bien vouloir se rendre chez lui et de recevoir les quelques amis qu'il a invité le soir-même, à son retour chez lui Milo Janus se débrouille pour que la jeune femme lui serve d'alibi lorsque résonne dans la salle principale, l'un des deux téléphones de la demeure raccordés entre eux. La voix de Stafford résonne alors de l'autre côté du combiné. Il s'agit cependant d'un enregistrement visant à faire croire que lorsque la mort du vieil homme est survenue, Milo Janus était présent, chez lui, accompagné de sa secrétaire ainsi que de quelques amis...

Milo Janus/Robert Conrad fait partie de ces quelques meurtriers de la série dont le capital sympathie s'avère relativement bas. Si l'on sait le lieutenant capable d'un acharnement forcené dont le ''pouvoir de persuasion'' peut avoir des conséquences parfois inattendues sur celui qu'il soupçonne d'avoir commis un meurtre, Milo Janus se comporte sensiblement comme le Docteur Barry Mayfield de l'excellent Le Spécialiste (A Stitch in Crime) réalisé par Hy Averback l'année précédente sans pour autant se révéler aussi épouvantablement désagréable que le personnage incarné alors par Leonard Nimoy. Très sûr de lui et de son alibi, Milo Janus ne sait pas qu'il a en face de lui un lieutenant capable de défaire pièce après pièce, tous les éléments qui constituent à priori le crime parfait. Comme cela arrive parfois dans la série, c'est en partie grâce à un événement se produisant de manière tout à fait hasardeuse (ici, une femme fait les lacets de chaussures de son fils dans un hôpital) que le lieutenant va pouvoir ''intégrer'' dans sa totalité, la logique meurtrière de l'assassin et ainsi le confondre en lui démontrant lors d'un final dont la démonstration demeure l'une des plus exceptionnelles de toute la série, que le meurtre qu'il croyait parfait, ou plutôt L'ALIBI qu'il pensait indémontable, est l'un des éléments qui mèneront à sa perte...

Notons que dans cet épisode, tout comme dans la plupart des soixante-neuf où le lieutenant Columbo a pour habitude de brosser les criminels dans le sens du poil, celui-ci félicite le tueur en lui faisant remarquer sa grande forme physique malgré son âge. Et pourtant, Robert Conrad n'a pas encore atteint les quarante ans lorsqu'il interprète le rôle de Milo Janus. Une anecdote particulièrement troublante et connue des criminologues en herbe lie cet épisode à un fait divers survenu... en France. En effet, Jean-Bernard Wiktorska, imprimeur à Sarcelles est retrouvé mort sur son banc de musculation, une haltère lui barrant la gorge, le 14 juillet 1995. Mais alors que l'autopsie conclue à une mort accidentelle, l'appel téléphonique d'une femme va tout remettre en question. Lors d'une seconde autopsie, le médecin légiste va en effet remarquer des blessures à la trachée incompatibles avec un écrasement provoqué par une haltère. C'est grâce à une enquêtrice du DRPJ de Versailles, fan de la série Columbo, que la lumière sera faite sur cet étrange fait divers. Comme quoi. Qu’il s'agisse de fiction ou de la réalité, le meurtre parfait s'avère toujours aussi complexe, voire impossible à réaliser...

mardi 11 août 2020

En Toute Amitié de Ben Gazzara (1974) 🚬 🚬 🚬 🚬 🚬



En Toute Amitié (A Friend in Deed ) possède diverses spécificités qui en font un épisode très particulier que l'on ne retrouvera qu'en de rares occasions. Si d'ailleurs l'on approfondit ses recherches, on notera qu'il y a peu, sinon aucun autre épisode semblable au déroulement de celui-ci. À noter tout d'abord à la réalisation, l'acteur Ben Gazzara, ami très proche de Peter Falk et également proche de l'acteur/réalisateur John Cassavetes avec lesquels il partagea la vedette de Husbands, l'un des grands chefs-d’œuvre que réalisa John Cassavetes lui-même en 1970. Ensuite, et c'est ce qui fait la principale différence de cet épisode par rapport aux soixante-huit autres, il n'y a ici pas une victime, mais deux. Ce qui jusqu'à maintenant n'a rien d'exceptionnel. Par contre, si l'on tient compte du fait que la première est victime d'un meurtre et la seconde d'un assassinat, En Toute Amitié fait toute la différence. Encore faut-il être capable de différencier l'un de l'autre. Le principe est simple à comprendre : Le MEURTRE est un acte perpétré sans préméditation quand l'ASSASSINAT a lui, été mûrement préparé et donc perpétré AVEC préméditation. C'est ainsi donc que nous seront présentés les deux homicides. Le premier, involontaire, commis par un certain Hugh Caldwell sur la personne de sa propre épouse. Un meurtre accidentel. Quant au second, il sera commis un peu plus tard par le commissaire de police Mark Halperin qui après avoir couvert les agissements de son ami en lui procurant un alibi apparemment infaillible se servira de lui pour se couvrir lui-même de l'assassinat de sa propre femme...

Intervient également dans ce huitième et ultime épisode de la troisième saison, le cambrioleur Artie Jessup (l'acteur Val Avery qui interprétera pas moins de trois autres personnages dans la série entre 1971 et 1975), connu par les autorités pour avoir commis plusieurs cambriolages dans le quartier où sont mortes les épouses Caldwell et Halperin. Un acharnement dont il sera la victime à son tour par le commissaire Halperin qui tentera de diriger les soupçons du lieutenant Columbo vers ce criminel qui n'a pourtant jusqu'ici, jamais commis de meurtres ! Une tentative qui restera bien entendu vaine puisque très rapidement, certains éléments de l'enquête pousseront Columbo à soupçonner et Caldwell, et Halperin. L'une des autres spécificités de cet épisode demeure d'ailleurs dans la tentative pour le lieutenant de faire toute la lumière sur leur supposée culpabilité et surtout sur le rôle que les deux hommes ont joué dans chacun des deux meurtres. Mais alors que le commissaire insiste pour que Columbo lui fasse parvenir le rapport sur les meurtres des deux femmes, notre célèbre lieutenant de police criminelle de Los Angeles traîne la patte, déjà convaincu de la culpabilité des deux époux et de l'innocence du cambrioleur...

Un cambrioleur dont il se servira d'ailleurs avec son accord afin de piéger de la plus formidable et jouissive des manières l'arrogant Mark Halperin. Un commissaire interprété par l'excellent Richard Kiley. Un être froid, calculateur, radicalement opposé au personnage qu'incarne l'acteur Michael McGuire qui dans la peau de Hugh Caldwell est manipulé du début à la fin par celui qui lui apporta son aide de manière tout à fait calculée en début d'épisode. Ben Gazzara réalise là, un épisode au moins à la hauteur des meilleurs de cette saison parmi lesquels Quand le Vin est Tiré de Leo Penn et Candidat au Crime de Boris Sagal. Cet épisode offre des scènes anthologiques dont un final absolument remarquable. L'attitude du meurtrier... pardon, de l'assassin est à l'image de ceux qui tentèrent de commettre le crime parfait et dont la recherche de perfection justement participa à leur arrestation. (ATTENTION SPOILER !!!) Comment en effet ne pas être totalement convaincu par cette séquence lors de laquelle Halperin croit avoir caché les bijoux d'un vol censément avoir été perpétré chez la première victime dans l'appartement du cambrioleur Artie Jessup alors que le dit appartement est en réalité celui que vient de louer le lieutenant Columbo ? Un final grandiose, imparable, jubilatoire, un formidable scénario de  Peter S. Fischer sur la base d'un récit de Ben Gazzara lui-même pour un Columbo affinant sans cesse une méthode mise à rude épreuve au fil des épisodes. Remarquable !

lundi 10 août 2020

Le Chant du Cygne de Nicholas Colasanto (1974) 🚬 🚬 🚬 🚬



Parce qu'il a commis un détournement de mineur il y a quelques années en arrière, le célèbre chanteur de country Tommy Brown est contraint par son épouse Edna d'accepter que l'argent des différentes recettes des concerts qu'il donne soient consacrées à la construction d'un temple. Privé de la moindre liberté, menacé par Edna et la jeune femme avec laquelle il coucha alors qu'elle n'était qu'une jeune adolescente, Tommy fomente leur meurtre lors d'un voyage en avion. Pilotant lui-même l'engin, il a dilué dans une bouteille isotherme renfermant du café, une forte dose de somnifères. Voyageant de nuit, il coupe le chauffage de l'avion en prétextant qu'il ne fonctionne pas. À l'arrière, les deux femmes se plaignent d'avoir froid. Tommy leur propose de boire du café pour se réchauffer et lorsqu'elles finissent par s'endormir, le chanteur de country se saisit d'un parachute qu'il a caché dans une sacoche habituellement réservée à des documents, le met sur son dos et saute de l'avion qui s'écrase alors un peu plus loin. Tommy atterrit à son tour brutalement et se brise la jambe. Se traînant difficilement jusqu'au lieu du crash, il se laisse glisser au sol et perd connaissance après avoir caché le parachute sous une souche d'arbre mort...

Pour ce septième épisode de la troisième saison intitulé Le Chant du Cygne (Swan Song), c'est le réalisateur Nicholas Colasanto qui pour la seconde fois se penche sur la série après l'excellent Symphonie en noir (Étude in Black), le premier épisode de la précédente saison qui mettait en scène John Cassavetes dans le rôle d'un chef-d'orchestre éliminant sa maîtresse. Cette fois-ci, Columbo va une fois encore baigner dans un univers musical puisqu'il y sera confronté à Tommy Brown, célèbre chanteur de country accompagné d'une troupe de choristes féminines et d'une épouse particulièrement attentive envers son comportement avec les jeunes groupies qui tournent autour de lui. C'est le chanteur de country Johnny Cash qui prête ici ses traits et son talent de musicien au personnage de Tommy Brown. Ici, il incarne un individu au caractère particulièrement complexe puisque sans être tout à fait détestable, on ne peut pas dire qu'il fasse partie de ces assassins parmi lesquels le lieutenant Columbo (et par prolongement, le spectateur) pourra facilement s''attacher. Johnny Cash y apparaît tel qu'il fut dans la vie. Vêtu de noir et accompagné de sa célèbre guitare qui l'accompagnait partout où il allait. Cette guitare justement qui participe dans cet épisode des doutes que va avoir Columbo concernant la responsabilité du chanteur dans la mort de Edna (l'actrice Ida Lupino qui interpréta le personnage de Doris Buckner dans le sixième épisode de la première saison Accident (Short Fuse) et de sa jeune protégée...

L'étrange relation qui se noue entre le tueur et le lieutenant Columbo n'est pas sans rappeler celle que ce dernier partagea avec le personnage d'Adrian Carsini qu'interpréta Donald Pleasence dans l'excellent Quand le Vin est Tiré (Any Old Port in a Storm). Le Chant du Cygne se clôt d'ailleurs de manière sensiblement similaire. À l'occasion de cet épisode, les fans du plus célèbre chanteur de country américain pourront l'entendre interpréter plusieurs œuvres de son répertoire, dont I Saw the Light ou encore la sublime mélodie, malheureusement très courte, intitulée Swan Song et qui donne son titre à cet épisode. Bien que la mise en scène et l'interprétation demeurent irréprochables dans ce que l'on peut considérer comme étant un excellent épisode de cette troisième saison, on pourra reprocher au scénario, une petite invraisemblance pourtant logique puisque participant de la résolution de cet épisode. En effet, alors que Tommy Brown cache le parachute dont il s'est servi pour sauter de l'avion avant de se laisser glisser vers le site du crash où brûlent les débris de l'engin, pourquoi donc ne choisit-il pas de s'en approcher accompagné du dit parachute afin de le lancer dans les flammes et de faire ainsi disparaître toute trace de son existence ? Un détail sans véritable importance au regard de la qualité de cet épisode et de la relation entre le tueur et un Columbo toujours aussi savoureusement incarné par Peter Falk...