Dernier épisode de la
première saison de Columbo, Une ville fatale (Blueprint
for Murder) possède un atout de taille par rapport
aux précédents et à tous deux qui suivront jusqu'au dernier :
il s'agit du premier et surtout de l'unique que réalisa lui-même
Peter Falk. Une aventure qui ne se fit pas sans encombres pour
l'acteur qui rencontra quelques soucis avec certains dirigeants de la
Universal qui tentèrent de
revenir sur un accord lui autorisant de réaliser un épisode de
Columbo. Ce n'est qu'après avoir bataillé, résisté, et même
menacé de quitter la série que Peter Falk eut gain de cause. Mais
les ennuis n'allaient pas s'arrêter là. Car à l'image du
titanesque chantier que représente dans cet épisode la construction
d'un projet urbaniste, il a fallut pour l'acteur/réalisateur avoir
les reins solides devant l'ampleur de la tâche. En insistant pour
réaliser Une ville fatale sur
la base d'un scénario écrit par Steven Bochco à partir un sujet de
William Kelley et Ted Leighton, Peter Falk s'est comme infligé à
lui seul, un châtiment... qu'il parviendra cependant à relever haut
la main...
L'une
des particularités de cet épisode, outre le fait que Peter Falk
l'ait réalisé, demeure dans l'absence de cadavre. L'ambitieux
architecte Elliot Markham à l'origine du projet pharaonique
WilliamsonVille
ayant besoin de s'assurer de la continuité du financement (bien que
Bo Williamson ait décidé de lui couper les vivres) est contraint de
se débarrasser du riche homme d'affaire. Mais parce qu'il ne peut se
permettre que l'on découvre son cadavre, Elliot Markham le cache
dans une écurie, lui permettant ainsi de continuer les travaux avec
l'aide de la nouvelle épouse de la victime, Jennifer. Inquiète de
ne pas avoir de nouvelles de son ancien mari, Goldie Williamson
évoque son désarroi auprès des autorités qui délèguent sur
place le lieutenant Columbo. Bien que rien ne vient étayer
l'hypothèse de Goldie selon laquelle Bo serait mort, certains
détails laissent Columbo songeur. Il découvre notamment que la
victime n'écoutait que de la country. Mais lorsqu'à bord de son
véhicule retrouvé à l'aéroport, le lieutenant remarque que
l'auto-radio est placé sur une station qui ne diffuse que de la
musique classique, celui-ci s'en étonne.
Très
rapidement, il se met à soupçonner l'architecte, d'autant plus
qu'il découvre qu'il est lui-même un grand amateur de musique
classique et qu'il apprend que la veille, Bo Williamson a débarqué
dans son bureau, furieux, avant de détruire la maquette du projet de
construction de WilliamsonVille.
La mise en scène de Peter Falk n'a pas à rougir face à celles de
Steven Spielberg, Jack Smight, Hy Averback ou Bernard L. Kowalski.
Une ville fatale confronte
l'acteur/réalisateur à Patrick O'Neal que l'on verra notamment dans
le film de guerre Un Château en Enfer de
Sydney Pollack en 1969, le western El Condor
de John Guillermin en 1970 ou bien plus tard, Die
Hard 2 : 58 Minutes pour vivre
de Renny Harlin en 1990. La victime quant à elle est interprété
par Forrest Tucker, Goldie Williamson par l'actrice Janis Page et
Jennifer par Pamela Austin. Dans une séquence qui rappelle
sensiblement celle de l'épisode Faux Témoin
de Bernard L. Kowalski dans laquelle Columbo se retrouvait déjà
face à une administration fastidieuse, on le découvre lors d'une
scène proprement hilarante le contraignant à faire la queue durant
des heures afin d'obtenir la permission de détruire un pilier
(William Kelley et Ted Leighton auraient-ils inspiré René Goscinny
et Albert Uderzo pour l'excellent dessin animé Les
Douze Travaux d'Astérix
?).
Une
fois de plus, la ténacité du lieutenant est mise à contribution et
le machiavélisme avec lequel il s'avère parfois capable de composer
donne lieu à un final absolument réjouissant. En effet, comment ne
pas penser que la destruction du pilier sous lequel il prétend
croire pouvoir découvrir le corps de la victime n'est pas un
subterfuge lui permettant de manipuler le meurtrier afin de le faire
agir à sa guise ? L'adage ''La
foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit''
prenant ici tout son sens. Peter Falk réalise ici un excellent
épisode permettant à son personnage, après l'univers de la
littérature, celui d'une agence de détective ou encore celui de la
peinture, de se frotter au monde des architectes...